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Noël 2009. Débarqué deux ans plus tôt à Paris, le saxophoniste retourne en deux temps, trois mouvements, le ban et l’arrière-ban du jazz réunis en décembre par TSF à L’Olympia.
A commencer par l’exigeant John Zorn, qui le décrit comme une « nucléaire d’émotions » et le publie sur son label, Tzadik.
Raccord, la presse est vite à l’unisson. A l’approche de ses 33 ans, le natif d’Annecy – un 21 juin 1980, comme un signe du destin ? – figure des faux airs de messie avec cette galette en forme d’ovni. Elle va s’écouler d’ailleurs comme des petits pains auprès d’une communauté de convertis, conquis par cette formule, une fusion de tous les jazz, en fait sa vision du jazz : entre tourneries funky et harmonies plus abstraites, entre métal hurlant et souffle dominant, entre impressions d’Afrique rétro-futuriste et déviations post-psychédéliques… Et ainsi de suite.
Dans le temple parisien, il fait monter d’un cran la pression avec son groupe, The Electric Epic. L’aventure a commencé quelques mois plus tôt, et le buzz ne va désormais qu’enfler à mesure que l’attente de son premier disque se prolonge. Il faudra patienter jusqu’en 2012 pour qu’il parvienne enfin aux oreilles de tous, esbaudis par ce son hors norme.
Somme toute, un électro choc où s’entrechoquent toutes les influences qui ont nourri le compositeur, toutes les expériences qui ont pétri le saxophoniste depuis qu’il est apparu dans la jazzosphère, à l’orée du millénaire.
En une dizaine d’années, Guillaume Perret a joué dans tous les registres, pupitre ou soliste, tendance mainstream ou troisième courant, au théâtre ou en scène, avec des musiciens du monde entier, mais aussi et avant tout au sein du Bocal, collectif pour lequel il participera à trois albums. Tous ceux-là se retrouvent dans ce premier album, qui trace un sillon singulier et ouvre de nouvelles perspectives. Ce que redit, jusque dans son appellation, le second volet de ses aventures, en 2014 : Open Me, précédé par un Doors EP.
Libre. Plus qu’un titre, une déclaration d’intention : on avait salué l’esprit d’équipe, le son de groupe, et le voilà qui revient tout seul aux manettes. Comme une mise au point de tous ses subjectifs, comme un besoin de faire le point avant de regarder plus loin. Il fallait oser ce saut en solo, sans filets (les complices sur lesquels on peut s’appuyer, rebondir, se reposer…), un plongeon dans l’océan des sons qui résonne comme une apnée vers les tréfonds de son imaginaire. « Cela me permet de laisser libre court à mes envies sur scène, et de manière immédiate, pouvoir être libre de changer le set en cours de concert suivant ce que je sens sur le moment, pouvoir modifier, faire évoluer tout plus rapidement, plus instinctivement. », insiste Guillaume Perret.
Fidèle à un état d’esprit Do It Yourself, il traduit sur sillon ce qu’il a déjà testé maintes fois par le passé.
Nouvel album Solo « Free ». Dans l’histoire du jazz l’adjectif a ouvert les horizons esthétiques, libéré les énergies artistiques. Gratuit, libre, à chacun sa définition. Ornette Coleman l’a dit en son temps, et depuis 1960 être free en jazz, c’est aussi être sujet à quelques malentendus. En choisissant ce qualificatif pour son nouvel album, Guillaume Perret augure de futurs débats sur la nature même de son jazz. « Conçu comme une musique de film, Free se veut un parcours libre au travers de différents paysages, différentes émotions. », prévient le saxophoniste, qui souhaite tomber le masque, pour en revenir à l’essence de ce qui fonde sa singularité. « J’ai dû lâcher certains miroirs flatteurs qui étaient plutôt des miroirs aux alouettes, non sans difficulté, mais au final j’ai pu avancer sur des bases de vie plus saines… Je n’ai plus besoin de séduire pour me sentir en confiance et je me sens davantage libre. » Pour bien entendre ce tournant en solitaire, comme un temps nécessaire pour qui tout est allé d’un coup très vite, il faut revenir en arrière.
« La plupart de mes compositions naissent d’une forme solo. De par l’électrification de mon saxophone et les dispositifs d’effets que j’utilise en live je peux couvrir toutes les fréquences et ainsi remplir tous les rôles des instruments de l’orchestre. De fait, je peux utiliser mon saxophone comme une percussion, grosse caisse, caisse claire, mais aussi basse, guitare, synthé, chœur… Il en ressort des mélodies et des rythmiques improbables, puisque les instruments de départ ne sont pas normaux. Dans cette version solo je souhaite livrer au public cette matière première, brute de décoffrage. »
Pour preuves, il a enregistré, édité et mixé en 9 jours, là où il avait peaufiné 9 mois durant la post-production de son premier album. « Je m’étais donné ce challenge. Avec mon ingé son, Hoover Lee, nous avons vécu une période intense, à travailler 23 h par jour avec un repas quotidien. » Il en ressort une intensité palpable dès les premières notes de « Birth of Aphrodite », thème qui renvoie au tableau de Botticelli selon son auteur, sevré de mythes et mythologies. « On est dans l’eau, le ressac ondule et un chant se fait entendre au loin. La déesse naît de l’écume ! » L’allégorie fait sens avec cette bande-son, au diapason de ce musicien « mutant ».